Me voilà enfin, bien posé ; et un énorme chocolat chaud qui arrive. Bien mérité car l’étape d’aujourd’hui a été XXL. J’ai même entraperçu mes limites physiques mais repoussé les mentales. J’ai à nouveau fais deux étapes en une, ok, rien de terrible. Ce qui est plus terrible c’est quand les deux étapes en question sont les deux plus violentes de tout le Chemin. C’est 42km et deux cols à grimper.
Ce matin, un des Superman m’annonce qu’il va marcher avec moi. Explication : les Superman sont trois hommes entre 45 et 65 ans pour qui ce Chemin est une course. Ils ont pas mal d’expérience dans le monde du trek donc un bon rythme, cela alimente leur arrogance. Et pourquoi le cacher, ils ont plutôt du mal à voir un petit jeune faire abstraction de leurs conseils et leur bla bla. By the way, le petit jeune c’est moi et les seuls conseils que j’accepte sont ceux de Google. Donc autant dire que je les ai en travers de la gorge.
L’annonce du Superman rabaisse mon moral. Une des règles non-écrite du Chemin est « marche seul plutôt que mal accompagné ». Il faut absolument que je me défasse de ce gars. Nous démarrons donc à nouveau en pleine nuit et je lance directement un rythme soutenu. Nous dépassons tout le monde. Seul nous devancent un français et les deux autres Superman qui partaient depuis trois kilomètres en avant. Bien décidé à me débarrasser de mon fardeau, je lance ma première attaque dans une montée. Ce que je ne sais pas alors, c’est qu’il s’agit du redoutable Col del Palo. 600 mètres de dénivelé sur deux kilomètres de chemin, une moyenne de 30% de côte. Nous arrivons en haut, je suis explosé mais content de voir que le Superman est largué. Un peu d’asphalte et le drame. Ça remonte et de quelle manière. En fait nous étions à la moitié de la montagne. Je commence à perdre mon souffle, mon sac pèse trois tonnes et je me courbe de plus en plus. Je me fais doubler et distancier. Je suis vraiment en bad. Une fois en haut, j’ai l’impression d’être sur la lune. Tout semble désert, la brume rend le paysage encore plus angoissant.
Heureusement pour moi, il y a la descente. C’est officiel, c’est mon truc. Sur quelques centaines de mètres je rattrape tous les Superman et m’en éloigne. Revoilà Messi sautant de pierre en pierre. Le plat arrive. Sur ce genre de terrain, je m’ennuie, donc je pense –à des âneries-, donc je ralentis. Je me force alors à rester concentrer pour maintenir le rythme. Que mes pas se fusionnent avec ma tête dans son balancement. Je tire jusqu’au moment où mon corps dit stop. Dans un village désert je me pose pour manger un sandwich préparé la veille –avec un chien qui reste assis à me regarder, chien que j’ai baptisé Kryptonite -. Quand je redémarre je vois les Superman en train de manger. WTF ?! Ils ont du me passer quand j’étais perdu plus tôt. L’un d’entre eux me crache « Tu ne peux pas aller à cette allure ! ». Ma seule réponse et la suivante : je sors mon iPod, lance le mode aléatoire et fonce.
Je les sèmes rapidement lors de l’ascension au dernier col. De là haut, les vues sur le barrage hydraulique de Salime sont époustouflantes. Il reste 18km pour l’arrivée dont 12 de descente entre sapins et cailloux. Dans cette descente, mes genoux me lance un avertissement sans frais. Il faut dire que tout le travail est pour eux. Une fois en bas, commencent six kilomètres d’ascension vers Grandas. Sous un soleil de plomb, l’asphalte abrasif brule la plante de mes pieds. Ce ne sont pas des ampoules que je vais avoir, mais l’éclairage du Stade de France !
J’arrive à Grandas, exténué. Le Hospitalero m’annonce qu’il n’y a plus de place dans l’auberge. Bon, je m’y étais préparé mentalement. Je téléphone une auberge privée qui se trouve cinq kilomètres plus loin. Il reste de la place, je réserve. Ce sont cinq bornes de plus mais au moins j’ai un lit de garanti. Ça sera comme une grosse balade sans stress. A Grandas je me pose tout de même pour manger un bout et me faire un shoot d’Aquarius. À 16h j’arrive enfin à l’auberge privée de Castro. Je trouve l’endroit vraiment sympa et chaleureux. L’auberge est une ancienne ferme entourée de champs de vaches, le paradis quoi. Les gérants –de mon âge- sont forts aimable et font tout pour aider. De plus, ils sont d’anciens Erasmus ; cela crée toujours des liens d’affinité. Quelle grande famille quand même.
Je dois boucler ce compte rendu rapidement, sinon mon chocolat chaud va refroidir. Demain étape courte et je croise les doigts pour que mes cloches ne sortent pas d’où elles sont, c'est-à-dire entre mes orteils. Et là je file car je vois la canadienne et j’aimerai savoir si c’est vrai qu’ils ont peur du noir (cf. HIMYM).
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