mercredi 18 août 2010

Jour 2 : Villapañada – Bodenaya [28km]

Moi qui pensais dormir comme une pierre… Impossible de trouver le sommeil plus d’une heure consécutive. Si ce ne sont pas les ronflements, c’est la fenêtre qui s’ouvre et me souffle dans la nuque –l’été en Asturies, c’est comme l’hiver à Barcelone- ou encore les loups qui rodent autour de l’auberge. Mais le pire, et le plus inattendu, mes jambes. J’ai l’impression qu’elles continuent à marcher et qu’elles veulent m’expulser du royaume des rêves. Je n’arrête pas de bouger. La canadienne qui dort en dessous doit me détester.

Il est à peine 6h que je suis déjà debout. Bon, non, je suis réveillé. Parce que je redoute la réaction de mes jambes quand je poserai celles-ci sur le plancher. J’ai peur de faire le coup de Barney après le Marathon de NY. Aller, je me lance. Miracle ! Elles tiennent bon ; juste quelques courbatures prévisibles qui disparaitront lorsque la machine sera en route. J’avale mon petit déjeuné équilibré composé de pain, Philadelphia et une poire ; le tout en regardant le soleil se lever.

C’est parti. Et ça commence fort. Je suis encore en train d’ajuster mon polar Quechua que je transpire déjà. L’étape commence avec l’ascension au col de El Fresno. Mes jambes auraient sans doute préféré une mise en bouche plus douce. Je meurs de chaud, mais avec la fraicheur du matin, si je retire mon polar, c’est la pneumonie assurée. Bon tant pis pour ceux qui mangeront près de moi tout à l’heure. Le Camino et les odeurs vivent une relation fusionnelle.

On aurait presque du mal à le croire, mais le pire vient après. La descente. Métaphore de la vie ? Qui sait ? Le fait est que la descente est bien plus exigeante et compliquée que l’escalade. Au moins quand on arrive au sommet, on peut se poser et contempler fièrement ce que l’on vient d’accomplir. Après une descente, on ne peut que se sentir comme une masse à la merci de la gravité. Au fond d’un trou. Jusqu’à San Marcelo, ce sont cinq kilomètres de pentes faite de gravier et de gros cailloux. Un soulagement pour mes poumons, un supplice pour chevilles et orteils –étrange mais c’est la partie qui a le plus souffert-. La descente conclue à Cornellana, à mi parcours. À partir de maintenant, ça remonte fort et le chemin entrecroise les travaux de construction d’une autoroute. Ceci rend le chemin, avec ses déviations, plus capricieux. Mes jambes tiennent bon, mais heureusement qu’elles n’ont pas d’yeux. Ce que ce que je vois moi –la carte avec les dénivelés à venir- ne les réjouirait point.

Les nombreuses déviations finissent par me sortir du chemin. En fait, je suis un raccourci sans le savoir. Une riveraine m’intercepte et m’annonce que je m’égare. En gros, le Chemin dessine une suite de « S » et moi je fais un joli « i ». J’hésite quand même à reprendre le chemin authentique. L’idée d’éviter quelques kilomètres est assez attrayante. Mais non, si je fais le Chemin, je veux le faire bien. Donc la charmante dame m’accompagne jusqu’au sentier correct et me voilà reparti parmi les sapins et les eucalyptus.

Je m’arrête à une fontaine pour remplir ma gourde d’eau fraiche et manger un bout. Un bout… ce mot laisse croire que c’est un apéro ou une collation. Non, c’est mon repas. Des bâtons de pain dur trempés dans du Philadelphia. Je me demande combien de temps mon corps va tenir le coup. C’est comme donner du Champomi à Pete Doherty. Assis au bord de la fontaine, deux suédois et un allemand me rejoignent. Nous discutons un peu de l’étape, de la gentillesse de la dame qui nous a redirigé, etc. Mais ce qui me marque, ce sont leurs sacs à dos. Ils font deux fois la taille du mien. À ce moment, je commence à m’inquiéter quant à mon équipement. Je n’ai ni sac de couchage ni mini matelas. Si un jour je dois dormir à la belle étoile, je suis grillé. Mon sac arrive à peine aux sept kilos, les leurs doit dépasser allègrement les dix.

Rambo et son fromage frais

Après m’être relancé frais comme une huitre, j’arrive à Salas sous un soleil de plomb. Cette ville est le point final officiel de l’étape, mais vu mon état, je peux continuer. Il n’est que 13h, mes jambes sont à point et j’ai entendu beaucoup de bien de la prochaine auberge qui est à 7km. Je m’arrête quand même pour me shooter aux Filipinos –délicieux biscuits au chocolat- et je suis ready pour une fin d’étape qui devrait être easy.

Easy ? AH ! Le dernier relais, ce sont sept kilomètres de montée continue avec quelques redressements qui m’ont presque fait embrasser le sol. Simple : de Salas je vois au loin la future autoroute qui flirte avec les nuages ; peu de temps après, je me trouve sur celle-ci. Sur ces deux jours, c’est physiquement le pire moment. Heureusement, mon iPod m’encourage.

J’arrive enfin à l’auberge de Bodenaya, une ancienne ferme restaurée et gérée par trois pèlerins expérimentés. Il ne reste que deux lits. J’ai beaucoup de chance et commence à me dire qu’il faut vraiment que j’arrive aux auberges plus tôt. Je suis explosé, ces sept dernières bornes m’ont tué. Je n’ai jamais autant sué mais mes pieds tiennent bon, toujours pas d’ampoules. Quand je retire mes chaussettes, une allemande assise à mes côté me lance : « your feet are really nice ». C’est toi qui est… Dans un autre contexte, je me serais posé des questions. Ici, elle ne fait que corroborer ma technique ultra sophistiquée pour éviter les blessures aux pieds. Deux paires de chaussettes. La première, en réalité des socquettes de petite taille, va quasiment se greffer au pied. Ce qui va alors frotter contre l’autre chaussette, c’est la socquette et non pas la peau. Ceci réduit les risques d’ampoules. À demain pour un nouvel épisode de C’est Pas Sorcier.

Après la douche, je me sens plus ouvert à conversation. Il faut dire que m’a propre odeur me donnait envie de fuir mon corps. Le reste de l’après-midi se passe à discuter avec les autres marcheurs. Deux belges, un hollandais, deux allemandes, deux espagnoles et la canadienne que je n’ai probablement pas laissé dormir hier, font que les heures passent rapidement. Les Hospitaleros (gérants des auberges) ont pris en charge nos vêtements pour les laver. Ils ont aussi préparé un somptueux repas, bourré de vitamines et apparemment, il y aura un petit déjeuner demain matin. Soins cinq étoile dans cette auberge. Je cherche où se trouve le logo Hilton. Je sais que je ne le trouverai pas quand l’Hospitalero m’annonce qu’ici, on laisse comme donation ce que l’on veut. C’est endroit est bien magique. Vive les vitamines et les gens passionnés.

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