vendredi 27 août 2010

Jour 6 : Castro - Padrón [21km]

Cette nuit j’ai bien dormi, trop bien dormi. Tellement bien dormir que j’ai ruiné ma sixième étape. Parce qu’aujourd’hui, ça ne le fait vraiment pas. C’est l’étape que je redoutais ; celle ou tout semble difficile. La pire depuis le début. Sans doute la conséquence des 70 derniers kilomètres mais aussi le fait de trimbaler une personne avec moi.

Car oui, Superman a décidé de me suivre aujourd’hui aussi. Il n’est pas méchant, que du contraire. Il est gentil, généreux et a vraiment l’air de quelqu’un de bon. « Brave » comme dirait ma grand-mère. En plus, son accent de l’ouest espagnol me fait sourire à chaque fois. Le problème ce n’est pas lui, c’est moi. Pour marcher, j’aime être seul, pouvoir me parler, chanter, crier, jouer de la air guitare. Mes techniques de motivations admettent difficilement un public. Je tente de foncer mais il tient le coup malgré son problème de ligament. Demain sera le jour. Aujourd’hui je passe la journée à le convaincre de se la faire tranquille demain, sinon sa jambe ne tiendra pas le coup. En réalité, en étant égoïste je lui fais une faveur, parce que s’il me suit comme ça demain, son ligament va craquer et puis c’est retour assuré vers Murcia.

Pour l’étape d’aujourd’hui, pas grand-chose à relever si ce n’est l’escalade de la montagne de Acebo. Ce que je retiens, c’est le bruit monumental des éoliennes dans le brouillard. On n’y voit rien, mais on sent qu’à quelques mètres de nous, un géant remue ses bras. C’est comme avoir Goliath devant sois et fermer ses yeux. Pour le reste, beaucoup d’asphalte donc mes pieds et mon moral souffrent. Je tente de faire abstraction de tous ces inconvénients en me focalisant sur l’étape de demain. Je me mentalise pour exécuter un sprint de 30 bornes. Sur le Chemin, il y a de plus en plus de monde et les places dans les auberges deviennent de plus en plus chères –en sueur, car le prix est toujours le même, 5€-.

Les éoliennes des ténèbres

C’est intéressant de voir comment l’affluence de nouveaux pèlerins modifie les comportements. Un gouffre s’est créé entre les anciens et les nouveaux. Les premiers ont développé une compétitivité qu’ils n’avaient pas avant ; les nouveaux voient le Chemin comme une semaine de vacances entre potes : beuveries le soir, boucan jusque tard dans la nuit, plaintes quant à l’état des auberges, etc. La cohabitation n’est pas toujours évidente.

Aujourd’hui je n’ai rien enregistré, ni créé. Le moral n’était vraiment au rendez-vous. Ce matin, j’ai déjeuné un biscuit, à midi deux tranches de pain et pour ce soir, j’ai trouvé une boite de thon. J’oubliais de préciser, sur ce Chemin on perd toute notion du temps et de l’espace, et aujourd’hui… c’est dimanche. Je m’en suis rendu compte à l’entrée dans la ville de Padrón, tout est fermé. C’est à ce moment là que Barcelone m’a le plus manqué, avec ses OpenCor, pakistanais ou chinois ouverts toute l’année.

Aller, un point positif pour finir. Les après-midis se font de plus en plus courtes grâce aux longues conversations que nous avons tous. Mais le must pour aujourd’hui, ce qui va me remotiver pour demain, mieux que de savoir que Heidi Klum m’attend dans la prochaine auberge : c’est que jusqu’au soir nous avons eu un gros soleil et que j’ai pu sécher tous mes vêtements. Je n’aurais pas, demain, à marcher avec mes slips et chaussettes humides accrochés à mon sac à dos. Et ça, ça n’a pas de prix, hein Heidi?

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