mardi 24 août 2010

Jour 4 : Tineo - Pola de Allande [28km]

Je comptais me réveiller à 6h mais étant donné la mauvaise nuit passée, à cette heure là je suis déjà en train de marcher. Après un demi-litre de jus d’orange et trois Digestives –oui, trois-, je me lance à corps perdu dans la nuit asturienne.

Je ne sais pas pourquoi, mais ce matin j’ai Lady Gaga en tête. Je ne cesse de répéter le « he he he he » de Telephone et depuis, je l’affectionne un peu. Il faut dire, qu’avec ma lampe torche, elle a été ma seule compagnie pendant près d’une heure de marche en pleine nuit. Bon sang que ça peut faire peur ! La vision se réduit à ce que la lampe veut bien montrer, ce qui est peu, et la face de « popopopoker face ». Les bruits étranges se multiplient tout comme l’excitation. Quand le jour commence à se lever, la brume persiste donnant aussi son niveau de mystère et terreur. Plus que les montagnes du nord, on a l'impression d'être dans les rues de Whitechapel et que derrière n'importe quel arbre peut se cacher Jack...

Jack? Where are you?

Je ne sais pas si c’est la peur ou Lady Gaga –ou la peur « de » Lady Gaga-, mais aujourd’hui j’ai un rythme de folie. Au début de l’étape je me sens comme sur une autoroute allemande. Quand j’enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, j‘accélère encore. J’espère ne pas crever, mais le mode aléatoire me traite comme un roi. Dans les descentes dangereuses, je me glisse dans la peau de Messi pour sauter d’une pierre à l’autre. Mon seul problème est le plat. Là, je traine. Il est clair que mon fort n’est pas le calme ni la stabilité. Ma frénétique allure ne se voit ralentie que par un début de crampe à ma jambe gauche. Je ralentis pour repartir de plus belle. Aujourd’hui j’ai l’impression que je pourrais arriver à Santiago d’un coup.

Peut après le village de Borres, arrive le meilleur moment de l’étape. Cela fait quatre heures que je marche et je sens mes forces s’en aller. Je meurs de faim, des vertiges commencent à me harceler et mes mains tremblent. Je tente de résister un maximum sachant qu’un arrêt maintenant, pourrait détruire ma cadence. Mais chaque pas se fait plus lourd. Tout d’un coup, un mur se dresse devant moi. Un chemin de terre et de pierres avec un dénivelé brutal. Je m’arrête. Je n’ai plus de force, pas même pour un pas de plus. Je blâme le Chemin Primitif –celui que je fais- pour être aussi cruel. Je suis dépité. Bloqué. Mais c’était sans compter sur mon iPod. Il jailli de son mutisme avec le A7 de Time For Heroes. Les neuf coups de guitare endiablés de l’intro se transforment en pelleteuse, pour aller creuser et chercher mes dernières ressources. Un geyser de force fait éruption au fond de moi. Sans y penser, je me lance comme un acharné à l’attaque du mur. C’est comme si cette chanson avait pris en charge mon sac et enclenché un tire-fesses. Je grimpe comme un lézard. Une fois en haut de la côte, je tarde plusieurs chansons à me remettre de cette apparition divine dans mon iPod. Je m’arrête, mange quelques bâtonnets de pain avec du –surprise-, Camembert ; et continue. Kasabian, Brel et Justice continuent de me pousser. Que ferais-je sans musique ?

Plus loin, je vis mon plus gros moment de stress sur le Camino. A Porciles, je m’arrête dans un bar pour acheter un Aquarius –deuxième sponsor du Chemin-. Je ne trouve pas mon portefeuille ! Je l’avais en fait coincé au beau milieu de mon sac pour éviter qu’il ne s’humidifie à cause de la transpiration de mon dos et de mes chaussettes qui séchaient à l’extérieur. Le barman a sans doute dû se dire que je tentais de partir sans payer. Quoique non, il avait l’air bien brave.

Soulagé, le reste de l’étape est une constante descente vers Pola de Allande. MIA et Arctic Monkeys viennent de fournir trois litres de RedBull au Messi que j’ai en moi aujourd’hui. Il m’arrive même de courir dans les dangereuses pentes. Après coup, je me rends compte que ce n’étais pas une idée très brillante. Mes genoux auraient pu me faire une mauvaise blague à tout moment. Mais comme dis plus haut, en ce jour j’ai l’impression que rien ne peut m’arrêter.

Aujourd’hui j’ai fais deux étape en une; à mon arrivée, il ne reste donc que trois lits. Décidément, c’est mon jour de chance. L’auberge est dans le même style que celle d’hier, format industriel. Je crois que plus le Chemin avance et plus l’affluence est importante, moins les auberges seront chaleureuses et familiales. Demain m’attend une longue étape de 35km avec deux cols à escalader. Une sieste s’impose.

Pour ce qui est de mon état, je me sens de mieux en mieux. Le mental et le physique s’alimentent l’un de l’autre. Je me sens fort parce que mes jambes tiennent le coup ; et je ne sens pas les plaintes de mes jambes parce que mon mental est assez fort que pour faire abstraction.
Que Lady Gaga continue de m’emporter. Hey Men.

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