lundi 16 août 2010

Jour 1 : Oviedo - Villapañada [29km]

Première étape de bouclée et mes jambes fument encore. Il est 20h et je me force à ne pas aller me coucher.


Le début de l’étape d’aujourd’hui a été plus que laborieux. Il m’a fallut près de deux heures pour trouver la sortie de la ville d’Oviedo. Les nombreux travaux, les mauvaises indications et les riverains peu coopératifs m’ont retenu jusque 12h30 ! Si je veux trouver un lit ce soir, j’ai intérêt à ne pas trainer. Enfin, les trottoirs sont devenus sentiers et les voitures, tracteurs. Je pénètre les Asturies vertes et laisse sa capitale derrière moi. Le point positif est que je trouve peu de pèlerins et ceux que j’aperçois, je les double. Les villages se succèdent quasi sans que je ne m’en rende compte. J’espère que ce rythme élevé ne m’enverra pas sa facture demain. Le physique n’accepte que rarement les paiements à crédit.

Au total, c’est près de 30 kilomètres et sincèrement, je vois mal comment une étape pourrait être plus dure : 34° à 17h30. En théorie, l’étape conclu à Grado, mais l’auberge est trois kilomètres plus loin ; à Villapañada. Le problème est qu’il s’agit d’un minuscule village sans aucun magasin, il faut donc faire ses achats à Grado. J’achète un peu de pain et d’autres aliments super nutritifs (notez l’ironie) pour ce soir. Ce qu’on ne m’avait pas dit, c’est que les trois bornes qui séparent l’auberge de Grado, sont tout droit sortis de l’enfer de Dante. Quelques côtes vicieuses et infernales. Quand je crois que c’est fini, le chemin vire et voici une nouvelle montée. Le poids de mon sac m’écrase, je ne sais plus de quelle main porter mes achats et je commence à me préoccuper pour mon lit ce soir.

une des côtes infernales de Grado

J’arrive à l’auberge, une ancienne école rurale transformée en refuge. C’est ma première nuit, je ne sais donc pas trop comment fonctionne ce genre d’établissement. Un marcheur m’indique qu’il suffit de déposer son sac sur un lit libre. Ouf, j’ai un lit pour ce soir ! Il en reste trois alors qu’il est déjà 18h. Une quinzaine de lit superposés forment le dortoir. Cette nuit, je sens la venue d’une orchestre d’instruments à vent [...] Quelque chose ici me rappelle un camp de concentration; je ne sais pas si c’est la disposition des lits, ou le fait de voir des silhouettes se déplacer dans la pénombre comme des lueurs orphelines. Malgré l’austérité, le reste de l’auberge est accueillant et assez propre. Douches et frigo, le pèlerin ne demande pas plus.

Je suis très surpris par l’état de mes pieds. Je retire mes chaussettes comme on ouvre un Camembert qui traine depuis des mois dans un placard : attendant une symphonie d’odeurs et de couleurs toutes droite sorties des cuvettes de satan. Finalement, rien. Mes socquettes se sont tatouées à mes pieds mais aucune ampoule ni blessure. Je suis d’autant plus surpris quand je vois les pieds des autres marcheurs. Les cloches sont de la taille du Luxembourg et limitent leurs mouvements. Une fille arrive en taxi annonçant que son ami est resté à Grado, claqué. Tout compte fait, je suis dans un état tout à fait raisonnable. Je prends soin de m’étirer -les cours d’éducation sportive ont finalement servi à quelque chose- et je suis ready pour un bon gros dodo.

C’est intéressant de voir l’évolution de l’étape au niveau mental. Au début, alors que je cherchais désespérément les portes de la ville d’Oviedo, je commençais à entrevoir les portes de ma patience. Sur les nerfs, j’aurais démarré au quart de tour si quelque chose était venu m’allumer. Ma Casio me narguait avec ses minutes qui avançaient et moi j’étais toujours au km zéro. La motivation a commencé à revenir quand j’ai enfin compris le système de référence pour suivre le chemin ; ce n’est pas toujours clair au début. Quand le soleil m’étouffait en pleine après-midi, le shuffle de l’iPod m’a proposé les Bloody Beetroots. Ok, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux pour profiter du paysage mais c’est le top pour trouver une cadence brutale. Enfin, j’expérimente la fatigue extrême et la peur de ne pas avoir de lit. Première journée bien complète donc, tant au niveau physique que mental.

Je croise quand même les doigts pour que dans les prochains jours, le relief ne sera pas aussi rude avec moi. Malgré cela, je suis plutôt optimiste pour le future. Demain j’envisage de faire une étape et demie. Le parcours est de 19km, je crois qu’en partant tôt, dix kilomètres de plus ne me tueront pas. Mais là, tout ce que je veux c’est dormir ; si les loups me le permettent.

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