Enfin, j’ai dormi comme un bébé irlandais. À 22h je me couche en commençant à lire L’attrape-cœur de Salinger. À la page cinq, le matelas moelleux et l’oreiller senteur lavande me kidnappent et m’embarquent dans un van VW, vers le monde de Morphée. À minuit, un sms d’encouragement me réveille. J’ouvre les yeux persuadé qu’il est déjà six heure du matin mais la brulante luminosité de mon Samsung m’annonce le contraire. Il me reste de longues heures de sommeil devant moi. Cette sensation n’a pas de prix.
Louise, ma chère collègue canadienne, me conseille demain d’aller jusque Tineo. En théorie l’étape nous emmène jusque Borres, à 25km. Mais les rumeurs disent que l’auberge qui s’y trouve est infecte, qu’il vaut mieux dormir dehors que là dedans. Si je vais à Tineo demain, ça me fera une étape de 12km. Selon mes plans, tôt ou tard je devrais faire une courte étape. Je crois que demain serait l’occasion parfaite. Tineo est une petite ville, j’aurais plus à faire que si je dois passer une journée dans un village avec quatre habitants. De plus, après les deux premières étapes plutôt rudes, je crois qu’une journée light ne me fera pas de mal ; surtout avant d’attaquer des gros parcours plus tard. Deal, demain je vais à Tineo et j’y fais ma moule.
À sept heure, petit déjeuné en commun. Cela provoque un départ groupé une heure plus tard. Ce n’est pas plus mal car le brouillard complique énormément l’orientation. À cinq mètres, tout devient flou, à dix, on ne voit plus rien. Cela donne de beaux décors pour des films d’horreur. De plus, la brume et la fine pluie matinale rendent le chemin boueux et glissant ; un supermarché à entorses et chutes en tout genre.
Après une heure de marche, je dépasse les danois. Je n’ai plus personne devant, mais les références s’envolent aussi. Ceci deviendra un problème plus tard, lorsque je commence à m’inquiéter quant à la longueur de l’étape. Je marche sans arrêt, mais aucune ville n’apparait. Si j’ai dépassé Tineo sans le savoir, je suis foutu. Mon guide annonce 12km, mais j’ai l’impression d’en avoir marché 25. Pas un bruit, ni devant ni derrière. Seules les goutes que les arbres laissent tomber. Ma solitude commence à croitre exponentiellement quand tout à coup, je vois au loin un terrain de football municipal avec l’inscription « Tineo FC ». Je retrouve le sourire et toutes mes forces. Je passe une colline et aperçois, perché sur le flanc d’une montagne, Tineo. J’y entre à 10h15. Cette ville me rappelle Monaco mais sans les Ferrari. Quoiqu’ici on trouve pas mal de Lamborghini, mais les tracteurs. Ici, tout monte ou descend. Les poules ont des paniers attaché à leur derrière, pour éviter que les œufs ne s’échappent. L’horizon ici, n’est qu’une vaste utopie.
À l’heure à laquelle j’arrive, le village semble mort. J’en profite pour me poser dans un parc, faire sécher mes vêtements like a gipsy et m’enfiler quelques Donuts. C’est pas comme si je me sentais comme un SDF, c’est que j’en suis un. La seule chose que j’ai de fixe dans ma vie, c’est mon grain de beauté sous l’œil gauche. Il est 11h, je peux aller chercher les clés de l’auberge au bar adjacent. Pendant une bonne heure, nous ne sommes que trois dans toute l’auberge (de 33 lits). J’en profite pour faire tout ce qu’on aime ne pas faire en public et laver mes vêtements. Oui, laver mes vêtements, à la main. C’est la première fois que je me lance dans un tel exercice. Moi qui suis plutôt partisan du « moi, je mélange tout dans la machine » ; me voilà à laver de la façon la plus délicate qui soit. En bien, je ne veux pas me jeter des fleurs, mais c’est vraiment pas mal du tout.
Comme récompense, je décide de m’offrir un festin. Je m’explose la pense dans un « restaurant de village » –en espagnol cela signifie manger jusqu’à n’en plus pouvoir pour 7€-. Je même fini un peu rond, parce que dans le nord de l’Espagne, on ne vous sert pas un verre de vin, mais la bouteille. Mais s’il y a bien un jour où peux me le permettre, c’est aujourd’hui.
Après trois jours, je commence vraiment à prendre conscience de ce qu’est le Camino d’un point de vue social. Ça me rappelle énormément mon Erasmus. Un groupe de personne, solidaires dans la détresse et avec la curiosité et l’ouverture d’esprit comme armure. Ce qui m’interpelle aussi, c’est l’humilité des gens. Aucun signe négatif ou de désapprobation, malgré les conditions de vie rudimentaires. J’espère que tout cela est contagieux.
Ce sont les prochaines étapes qui centrent les débats de ce soir. Il y a plusieurs alternatives ; des étapes plus longues, plus courtes, plus dangereuses, etc. J’ai du mal à m’y retrouver, je la ferai au feeling. Lady Gaga m’aidera à prendre une décision en temps voulu –je ne peux retirer Telephone de ma tête, ça fait mal-. Maintenant, je dois dormir ; même si ça ne va pas être facile : il fait 200 degrés dans le dortoir et une horde de petites bêtes envahissent les lits. Je préfère ne pas connaitre leurs préférences alimentaires. Je vais me concentrer sur un lit king size dans le Ritz de la place Vendôme.
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