Je suis appuyé sur la fenêtre de ma chambre. Seule une fine vitre sépare mon épaule de la pluie printanière. Le son des goutes sur les arbres rafraîchit le tableau. Mon laptop émet l’élégante voix d’un speaker britannique avant que le jingle "BBC Radio Two" ne retentisse pour laisser place aux news. Entre mes mains, un thé Windsor Breakfast; sa fumée semble vouloir embrasser les goutes extérieurs, mais le verre l’en empêche. Si la Sagrada Familia ne pointait pas le bout de ses tours, j’aurais été persuadé d’être à Brighton.

pic: Gil Grimonster
En regardant le ciel gris et la pluie, je me souviens de l’anxiolytique pelouse de Preston Park, les montées à Seven Dials, les descentes vers le Seafront. Le craquement des planches du Pier me revient à l’esprit. C’est désormais officiel, la loi martiale est déclarée dans mon cerveau. Le passé lance une attaque napoléonienne contre le présent. Les hostilités commencent.
Cette rébellion de souvenirs est menée par les Lanes et son obscurité éclaboussée de sinistres lampadaires jaunes. Victoria’s Garden et le gémissement de la pelouse humide qui est écrasée pour une paire de Converses ; celles-ci achetées à Churchill Square pour £35. Une autre division de l’offensive de la mémoire est dirigée par Sidney Street et Kensington Garden. Ses magasins vintage, Dirty Harry à la tête, sont les fournisseurs de parfums et de tissus de l’armée.
C’est la guerre dans ma tête ; Barcelone est envahie par les troupes mélancoliques d’outre -Manche. Le Sainsbury et le, toujours surprenant, sourire de ses caissières accompagné de « Wanna ‘bag ? » ou « Have you got the Nectar Card ? ». Le mosaïque social de London Road : des adolescentes sortant du Somerfield avec un caddy plein de Pampers ; des étudiants à vélo avec leur sac-à-dos plein de pizzas du Iceland ; des Londoners se dirigeant vers la A23 dans leur Range Rover pour rentrer chez eux ; ou encore des Patchams attendant le double-deck qui les mènera là où même les corbeaux sont opprimés.
Cette armée est composée d’un escadron redoutable : les teenagers tout droit sortis de Boots et Topshop -pour maquillage et uniforme-. Quand le soleil se couche derrière Portsmouth, ils sortent de leur chambre pour foncer illico vers Oceana, équipés de Strongbow et d’autres mélanges nocifs.
Les B52 de la mémoire sont les pubs. Ces endroits appelés World’s End, King And Queen, Pav Tav, et dont le carburant fourni par Foster’s. Des lieux où on peu jouer au Scrabble, au billard, mettre en marche le Jukebox ou rencontrer des Brightonians de la Uni. On commence les soirées dans ces bunkers et on ne sait pas trop où cela peut finir. Peut-être à l’hôpital ; au oubliettes; ou dans une maison victorienne, affalés sur la moquette et assiégés par une horde de bouteilles de gin.
Le comité des sages de l’armée britannique est assez facilement repérable. Sur les marches des maisons de Grand Parade, ils se réunissent de jours comme de nuit pour débattre de la situation sur le front. Survêtement, Reeboks Classics, Carling à la main, ils sont un intéressant hybride entre hooligans et SDF.
Mais ce conflit armé ne serait possible sans l’infrastructure des Costa Café, du Pavilion Park; la logistique assurée par National Express; les rendez-vous à Clock-Tower ; l’arôme d’une Guiness devant SkySport; Seven Sisters; Marina; Hove.
Mais l’attaque la plus décisive, sera toujours celle portée par le Snoopers Paradise, cet antiquaire magique; Heist, le pub aux sofas ensorcelants ; les conversations de minuit avec le West Pier pour unique chandelier ou encore le maudit N25. Ce bus de nuit directement inspiré du Enola Gay; dont l'impertinence n'est assimilable qu'à Fat Man et les dégâts à Hiroshima.
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