"Il faut changer de métier monsieur!" C'est bien le diagnostique auquel je m'attendais avec résignation. Tant d'années comme gardien de Morphée et chauffeur de pieds ne peuvent que nuire à la santé. Mamourt le toubib me l'a bien fait savoir: "Encore une nuit de plus à ton poste et tu pourrais te retrouver gardien de cimetière".
Il faut dire que les années se font sentir dans ma profession. Coups de pieds en tout genre, chutes vertigineuses de plus de 40 centimètres, étouffements, insomnies, etc. On ne compte plus dans le métier le nombre de collègues ayant décidé de passer le tunnel de leur propre pied. La liste est longue. Ceux qui se sont jetés depuis le sommet de l'étagère à BD à ceux qui se sont désespérément immiscés sous les draps lors d'une nuit... agitée.
Je ne veux pas finir comme eux. Je veux avoir une retraite tranquille, à l'abri de tout soubresaut. recevoir la douce caresse du couché de soleil tous les après-midi. Ne pas être secoué chaque matin mais me réveiller avec la voix caramélisée de Madeleine Peyroux.
Hier soir, je me suis jeté à l'eau. J'ai regardé le propriétaire des lieux droit dans les yeux et lui ai exigé ma mutation:
- Je n'en peux plus, ça ne peut plus durer! Je vous demande formellement ma mutation dans le nord.
- Dans le nord? s'étonna le patron. Pourquoi vouloir passer du pied du lit à la tête?
- Mmmmm pour faire un parallèle qui vous parlera, disons que travailler au pied c'est comme le faire à Charleroi, alors qu'à la tête... c'est comme disposer d'un siège au Parlement Européen. Je pense qu'après tant d'années de bons et loyaux services, je mérite cette faveur. Je ne veux pas finir comme Jojo Lapin, Titus le goélant, Romualde la vache ou Bebette la petite chatte, qui se sont tous retrouvés prématurément au cimetière des peluches.
Le patron est bon, il a accédé à ma requête. Non sans oublier de me demander quelque chose en retour (ça reste quand même un patron). Il voudrait que je mette sur pied un blog racontant mes pensées, mes expériences de gardien de lit. Un blog qui serait destiné à toutes les peluches du monde. Celles disposant d'une connexion Internet bien évidemment. Les recettes publicitaires du blog serviraient au recrutement de nouvelles peluches pour le pied du lit. Des jeunes recrues un peu masochistes voulant faire partie de "The Company" (candidats, envoyez votre CV ici).
Une petite larme s'émancipe tout de même de mes yeux humides. Quitter Rigobert me fait de la peine. Ce jeune ours un peu maladroit, fraichement arrivé de la Bed Keepers Academy, à qui je me suis vite attaché. Mais bon, trêve de mélancolie et tristesse! Je suis dans une position privilégiée maintenant. Je contrôle toute la chambre depuis mon bureau proche de l'oreiller. J'ai déjà les lunettes de soleil blanches, demain je commande l'iPhone. C'est bon, je suis paré pour la vie de jeune cadre. Le travail ordonné par le patron? Bah, comme lors de toute promotion professionnelle, je ferai un effort au début jusqu'à ce que je sois nommé. Et après, enjoy the life.
Edgar
Il faut dire que les années se font sentir dans ma profession. Coups de pieds en tout genre, chutes vertigineuses de plus de 40 centimètres, étouffements, insomnies, etc. On ne compte plus dans le métier le nombre de collègues ayant décidé de passer le tunnel de leur propre pied. La liste est longue. Ceux qui se sont jetés depuis le sommet de l'étagère à BD à ceux qui se sont désespérément immiscés sous les draps lors d'une nuit... agitée.
Je ne veux pas finir comme eux. Je veux avoir une retraite tranquille, à l'abri de tout soubresaut. recevoir la douce caresse du couché de soleil tous les après-midi. Ne pas être secoué chaque matin mais me réveiller avec la voix caramélisée de Madeleine Peyroux.
Hier soir, je me suis jeté à l'eau. J'ai regardé le propriétaire des lieux droit dans les yeux et lui ai exigé ma mutation:
- Je n'en peux plus, ça ne peut plus durer! Je vous demande formellement ma mutation dans le nord.
- Dans le nord? s'étonna le patron. Pourquoi vouloir passer du pied du lit à la tête?
- Mmmmm pour faire un parallèle qui vous parlera, disons que travailler au pied c'est comme le faire à Charleroi, alors qu'à la tête... c'est comme disposer d'un siège au Parlement Européen. Je pense qu'après tant d'années de bons et loyaux services, je mérite cette faveur. Je ne veux pas finir comme Jojo Lapin, Titus le goélant, Romualde la vache ou Bebette la petite chatte, qui se sont tous retrouvés prématurément au cimetière des peluches.
Le patron est bon, il a accédé à ma requête. Non sans oublier de me demander quelque chose en retour (ça reste quand même un patron). Il voudrait que je mette sur pied un blog racontant mes pensées, mes expériences de gardien de lit. Un blog qui serait destiné à toutes les peluches du monde. Celles disposant d'une connexion Internet bien évidemment. Les recettes publicitaires du blog serviraient au recrutement de nouvelles peluches pour le pied du lit. Des jeunes recrues un peu masochistes voulant faire partie de "The Company" (candidats, envoyez votre CV ici).
Une petite larme s'émancipe tout de même de mes yeux humides. Quitter Rigobert me fait de la peine. Ce jeune ours un peu maladroit, fraichement arrivé de la Bed Keepers Academy, à qui je me suis vite attaché. Mais bon, trêve de mélancolie et tristesse! Je suis dans une position privilégiée maintenant. Je contrôle toute la chambre depuis mon bureau proche de l'oreiller. J'ai déjà les lunettes de soleil blanches, demain je commande l'iPhone. C'est bon, je suis paré pour la vie de jeune cadre. Le travail ordonné par le patron? Bah, comme lors de toute promotion professionnelle, je ferai un effort au début jusqu'à ce que je sois nommé. Et après, enjoy the life.
Edgar
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